|
Cette faculté de vision du mouvement est tout particulièrement
importante pour cet animal chasseur nocturne mais aussi susceptible
de devenir une proie.
Elle dépend de plusieurs facteurs, tous ayant comme trait
commun la notion basique de champ récepteur. Il s'agit de la nature
de la mosaïque rétinienne, de la vitesse du mouvement
et du temps de persistance de la vision du mouvement. Dans ce
domaine d'étude plus que dans aucun autre, les expériences
psychophysiques jouent un rôle primordial.
Le premier facteur concerne la qualité de la mosaïque rétinienne, c'est à dire de la nature, la quantité et la topographie des photorécepteurs. En effet, le mouvement est perçu uniquement si l'image se déplace d'une structure nerveuse à une autre, voisine, à savoir du champ récepteur d'une fibre rétinienne à une autre. Quand les éléments rétiniens sont peu nombreux, ce qui est par exemple le cas en rétine périphérique chez le chat comme chez l'homme, la portion de rétine correspondant à une seule fibre du nerf optique est grande ; dans ce cas, une image doit traverser une distance considérable avant d'exciter les éléments sensoriels voisins, de telle sorte qu'un petit mouvement risque de ne pas être apprécié. A l'inverse, plus le champ récepteur est petit, plus la distance entre deux structures nerveuses est réduite et donc plus le seuil de détection d'un mouvement est bas.
Or, le champ récepteur des cônes est plus petit que celui des bâtonnets, ce qui les rend ainsi plus sensibles au mouvement. La perception des mouvements sera donc meilleure dans une rétine riche en cônes, et particulièrement au sein de la fovea et de l'area centralis; les proportions respectives en cônes des deux structures, vues précédemment, laissent présager que la perception du mouvement est meilleure chez l'homme.
Pour que l'image soit perçue en mouvement, il faut donc
qu'elle se déplace d'un champ récepteur au champ
voisin. Or si le mouvement est trop rapide, l'image ne persiste
pas assez longtemps sur les champs récepteurs pour stimuler
le photorécepteur et donc pour être perçue.
A l'inverse, si le mouvement est trop lent, l'image est perçue
comme étant immobile.
Si la stimulation persiste longtemps, un photorécepteur une fois stimulé ne peut réagir rapidement à un nouveau stimulus; en effet, un stimulus rétinien transitoire ne cesse pas d'exister au moment même où le stimulus est retiré mais il persiste au contraire pendant un court intervalle de temps, qui dépend de l'état d'adaptation de l'il et de l'intensité du stimulus ; c'est la période réfractaire. Ce temps de persistance, permettant entre autre de déterminer la vitesse maximale du mouvement perceptible, peut être étudié par la méthode du flicker (scintillement), avec enregistrement par électrorétinogramme (ERG), par techniques psychophysiques, ou encore par des enregistrements extracellulaires de cellules ganglionnaires ou corticales. La stimulation est faite à l'aide d'éclairs de plus en plus rapprochés, jusqu'au moment où il n'y a plus de réponse rétinienne. La fréquence de stimulation est alors appelée fréquence de fusion ou F.F.F (Flicker Fusion Frequency), considérée comme bon indicateur du degré de sensibilité au mouvement et donc de l'habilité à suivre un mouvement.
Précisions sur les techniques psychophysiques
et E R G
De manière générale, la FFF des cônes
est supérieure à celle des bâtonnets, les
réactions des cônes étant plus rapides. Là
encore, une rétine riche en cônes possèdera
une FFF plus élevée et donc présentera une
meilleure perception du mouvement.
De plus, la FFF est non seulement plus élevée dans
les rétines adaptées à la lumière,
mais elle s'accroît aussi avec l'intensité lumineuse,
ce qui semble invalidant pour le chat.
Les résultats obtenus chez le chat par les diverses méthodes sont cependant très corrects ; le tracé de la F.F.F éléctrorétinographique montre qu'elle peut atteindre des valeurs aussi élevées que celles de l'homme, avec nécessité toutefois d'une intensité relative du stimulus supérieure :
Au niveau de l'area centralis et sous conditions photopiques,
elle atteint 60Hz, ce qui équivaut à 60 éclairs/seconde,
alors que les valeurs chez l'homme sont aux alentours de 60 à
90Hz .
Sous conditions scotopiques, la F.F.F des bâtonnets semble
par contre supérieure à celle des bâtonnets
humains, puisqu'on rapporte des valeurs de 35 à 45Hz contre
15 à 18Hz chez l'homme. ALI et KLYNE (2).
L'il du chat possède donc un degré de sensibilité
au mouvement quasi-équivalent à celui de l'homme
en vision diurne, et un degré de sensibilité au
mouvement supérieur à celui de l'homme en vision
nocturne, ce qui montre encore une fois son adaptation à
la vie nocturne.